Temps

Une goutte d’eau - Deux gouttes d’eau - Le seau. 

Traversé par la lumière, le rideau de ma chambre tremble comme une feuille. Les fleurs en suspens sur le rebord de la fenêtre dessinent des personnages, théâtre de marionnettes vertes. Je somnole. Agenda blindé comme une rame de métro, la journée à venir est minutieusement chronométrée. Parce que j’ai peur, je cours. Accompagnez le mouvement par le mouvement, et c’est l’horloge qui vous trimballe.

Une nouvelle semaine commence et pourtant rien ne commence. C’est un (re)flux continu, une huile glissante qui s’infiltre partout. C’est un temps sans décompte, un temps sans échelle. Je grimpe les secondes et escalade les heures… L’horizon s’éclaircit: j’approche du soleil. Mes mains se tordent de ne savoir le saisir. Ses effets me transforment. Éphélides. Je m’arrête un instant, suspendu. J’aperçois les ruines du passé supports des constructions à venir.

Ça fait trois. Trois secondes au poids de trois heures. L’immortalité au détour du chemin, ou n’être jamais ailleurs qu’ici-même et maintenant. L’éternité au creux d’une main. Ne rien saisir du tout. En caresser la magie.

J’entrevois le temps, ma proie.

Raz-de-marée de secondes qui en valent tellement plus, mon coeur s’emballe. Je tire sur mon clope comme sur le manteau du temps. Pour qu’il se retourne, pour qu’il m’attende. Puissance effrénée, il court et à lui, je m’agrippe. J’allonge le pas, le souffle, le suis, le sens. Il coule en moi. Puisqu’il est à prendre, j’évite d’être prise. Je prends. 

Comptant nos pas et heures passées, s’épuisant à rentabiliser, notre violence n’égale que celle qu’il nous rend. Nul besoin d’être nommé pour exister, ni mesuré pour être pris. Il est, et comme lui, être suffit. Sur cet infini nous posons mesure et en traquons les effets, à toute heure d’un quotidien étriqué. Pour éviter que le Vite, ne nous plonge dans le Vide, sans doute faudrait-il accorder au chemin l’importance de sa fin.

Il raconte aux jeunes, qu'ils ont mieux que du temps; puisqu’ils ont leur 20 ans.

Le passé, le futur, punissent au présent.

Flâner avant que l’on fane.
Flâner avant que l’on cane.

Et avec le temps, tourner sans fin, sur le cadran d’une montre qui n’indique rien.


Texte écrit pour Do Nothing Club